Au Maroc, on aime les proverbes. « L’argent n’a pas d’odeur », dit-on en souriant. Pourtant, les devises envoyées par les Marocains établis en France, en Espagne, au Canada ou au Qatar ont bel et bien un parfum : celui du lien familial, de la nostalgie et de la solidarité.
Chaque été, nos ports et nos aéroports regorgent de familles revenant au pays avec des valises remplies de cadeaux et de projets. Ils investissent dans la maison familiale, financent les études du petit cousin, prennent des selfies sous le soleil de Saïdia…
Puis ils repartent, laissant derrière eux un pays qui encaisse la manne mais oublie de les associer aux décisions qui le concernent. Curieux paradoxe, non ?
Chaque été, nos ports et nos aéroports regorgent de familles revenant au pays avec des valises remplies de cadeaux et de projets. Ils investissent dans la maison familiale, financent les études du petit cousin, prennent des selfies sous le soleil de Saïdia…
Puis ils repartent, laissant derrière eux un pays qui encaisse la manne mais oublie de les associer aux décisions qui le concernent. Curieux paradoxe, non ?
Le syndrome du porte-monnaie sans parole
Les chiffres sont éloquents. Plus de cinq millions de Marocains vivent hors des frontières nationales. En 2024, ils ont transféré vers la mère patrie plus de cent dix-sept milliards de dirhams, soit près de huit pour cent de notre produit intérieur brut. Sans ces transferts, la balance des paiements vacillerait et de nombreux foyers auraient du mal à joindre les deux bouts. Pourtant, dès que l’on prononce le mot « élection », les murs semblent s’épaissir autour d’eux.
Il est toujours amusant de constater à quel point les responsables politiques louent la « diaspora héroïque » dans leurs discours, avant d’enchaîner sur des sujets plus… domestiques. On dirait qu’ils ont peur de voir débouler une armée de managers et d’ingénieurs formés à l’étranger qui viendraient chambouler les équilibres locaux.
La vérité, c’est qu’au sein des partis, beaucoup préfèrent placer des cousins, des voisins ou des notables du coin en haut des listes plutôt que des profils trop « cosmopolites ». Résultat : les Marocains du monde restent bloqués au guichet des transferts.
Il est toujours amusant de constater à quel point les responsables politiques louent la « diaspora héroïque » dans leurs discours, avant d’enchaîner sur des sujets plus… domestiques. On dirait qu’ils ont peur de voir débouler une armée de managers et d’ingénieurs formés à l’étranger qui viendraient chambouler les équilibres locaux.
La vérité, c’est qu’au sein des partis, beaucoup préfèrent placer des cousins, des voisins ou des notables du coin en haut des listes plutôt que des profils trop « cosmopolites ». Résultat : les Marocains du monde restent bloqués au guichet des transferts.
Vote par procuration, mission impossible
Il y a bien un cadre légal. La Constitution de 2011 reconnaît aux expatriés le droit de voter et d’être élus. Magnifique ! Sauf qu’entre la théorie et la pratique, il y a autant de distance qu’entre Oujda et Vancouver. Pour glisser un bulletin dans l’urne, il faut s’inscrire sur une liste électorale nationale, se déplacer au Maroc le jour du scrutin ou faire une procuration.
La procuration… ce mot qui suscite des sourires désabusés. Vous imaginez confier votre vote à votre cousin, qui a déjà du mal à vous ramener votre bled d’huile d’olive sans se servir au passage ?
Le vote électronique ? On en parle depuis longtemps. On en reparlera sûrement quand nos petits‑enfants seront grands. Les bureaux de vote dans les consulats ?
Trop cher, trop compliqué. On se contentera donc d’un système qui décourage les plus motivés. Et on s’étonne que la participation des MRE soit anémique.
La procuration… ce mot qui suscite des sourires désabusés. Vous imaginez confier votre vote à votre cousin, qui a déjà du mal à vous ramener votre bled d’huile d’olive sans se servir au passage ?
Le vote électronique ? On en parle depuis longtemps. On en reparlera sûrement quand nos petits‑enfants seront grands. Les bureaux de vote dans les consulats ?
Trop cher, trop compliqué. On se contentera donc d’un système qui décourage les plus motivés. Et on s’étonne que la participation des MRE soit anémique.
Une candidate de la diaspora par liste : l’écran de fumée
Pour faire taire les critiques, les députés ont adopté en 2021 une règle cosmétique : chaque parti qui veut toucher les subventions publiques doit présenter une femme résidant à l’étranger en tête d’une liste régionale. Initiative féministe ou alibi politique ? Les langues se délient.
Certes, cette mesure a permis l’élection de quelques femmes expatriées, souvent mises en avant dans les médias comme symbole d’ouverture. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps. En coulisses, certains responsables admettent candidement qu’ils ont « placardisé » ces candidates dans des circonscriptions ingagnables pour cocher la case. Pire : sans sanction financière réelle, plusieurs partis contournent la règle en déposant des listes sans candidate MRE.
On pourrait sourire de cette maladresse si elle ne révélait pas un problème plus profond : notre système politique peine à s’adapter à la mondialisation. Alors que nos jeunes rêvent de startups et de mobilité internationale, l’organisation des scrutins reste coincée au siècle dernier.
Certes, cette mesure a permis l’élection de quelques femmes expatriées, souvent mises en avant dans les médias comme symbole d’ouverture. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps. En coulisses, certains responsables admettent candidement qu’ils ont « placardisé » ces candidates dans des circonscriptions ingagnables pour cocher la case. Pire : sans sanction financière réelle, plusieurs partis contournent la règle en déposant des listes sans candidate MRE.
On pourrait sourire de cette maladresse si elle ne révélait pas un problème plus profond : notre système politique peine à s’adapter à la mondialisation. Alors que nos jeunes rêvent de startups et de mobilité internationale, l’organisation des scrutins reste coincée au siècle dernier.
Et ailleurs ? La diaspora fait son show
Pendant ce temps, nos voisins européens ne se gênent pas pour donner la parole à leurs ressortissants expatriés. La France a onze députés et douze sénateurs représentant les Français de l’étranger. L’Italie réserve douze sièges de députés et six de sénateurs à ses citoyens de l’extérieur. Le Portugal, plus modeste, attribue quatre sièges à sa diaspora et dispose d’un Conseil des communautés très actif. Ces pays ne s’effondrent pas sous le poids des idées importées. Au contraire, ils en tirent des bénéfices : diplomatie renforcée, investissements, rayonnement culturel.
Pourquoi ne pas s’en inspirer ? On nous objectera que le contexte est différent, que le Maroc ne peut pas se permettre d’ouvrir de nouvelles circonscriptions. Mais qui a dit qu’il fallait copier‑coller ? Rien n’empêche d’adapter ces modèles à nos réalités : créer quelques sièges dédiés, organiser des élections pilotes en ligne, ou encore instaurer un conseil consultatif des Marocains du monde chargé de faire remonter les doléances et de proposer des lois.
Pourquoi ne pas s’en inspirer ? On nous objectera que le contexte est différent, que le Maroc ne peut pas se permettre d’ouvrir de nouvelles circonscriptions. Mais qui a dit qu’il fallait copier‑coller ? Rien n’empêche d’adapter ces modèles à nos réalités : créer quelques sièges dédiés, organiser des élections pilotes en ligne, ou encore instaurer un conseil consultatif des Marocains du monde chargé de faire remonter les doléances et de proposer des lois.
Le spectre du quota et ses détracteurs
Dans les salons feutrés comme sur les groupes WhatsApp, une proposition revient régulièrement : réserver 15% des sièges du Parlement aux candidats de la diaspora.
L’idée fait bondir plus d’un député. « 15% ? Et pourquoi pas la moitié ! », s’emporte un élu de province, inquiet de voir « des inconnus venir nous faire la leçon ». D’autres, plus modérés, reconnaissent que la question mérite débat.
Dans les rues de Bruxelles ou de Montréal, l’idée fait rêver. « Ce serait formidable de voir des personnes qui nous ressemblent, qui comprennent les défis de l’expatriation, siéger à Rabat », confie Fatima, entrepreneure dans le digital.
Mais même parmi les expatriés, certains craignent l’apparition d’une élite déconnectée. « On ne veut pas remplacer des caciques locaux par des caciques de la diaspora », rappelle un militant associatif de Lyon. Autrement dit : attention à ne pas reproduire ailleurs ce que l’on critique ici.
L’idée fait bondir plus d’un député. « 15% ? Et pourquoi pas la moitié ! », s’emporte un élu de province, inquiet de voir « des inconnus venir nous faire la leçon ». D’autres, plus modérés, reconnaissent que la question mérite débat.
Dans les rues de Bruxelles ou de Montréal, l’idée fait rêver. « Ce serait formidable de voir des personnes qui nous ressemblent, qui comprennent les défis de l’expatriation, siéger à Rabat », confie Fatima, entrepreneure dans le digital.
Mais même parmi les expatriés, certains craignent l’apparition d’une élite déconnectée. « On ne veut pas remplacer des caciques locaux par des caciques de la diaspora », rappelle un militant associatif de Lyon. Autrement dit : attention à ne pas reproduire ailleurs ce que l’on critique ici.
Un secrétariat d’État et des régionales ouvertes : l’idée de bon sens
À défaut de révolutionner la carte électorale, certaines propositions paraissent plus consensuelles. La création d’un Secrétariat d’État aux Marocains du monde pourrait centraliser les dossiers, coordonner les politiques et servir d’interlocuteur unique à la diaspora. Ce secrétariat, rattaché au chef du gouvernement, travaillerait avec les ministères de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de l’Investissement pour fluidifier les procédures et suivre les dossiers de naturalisation, de pension, de scolarisation.
Par ailleurs, ouvrir les conseils régionaux aux représentants des MRE serait un signal fort.
Dans des régions comme Béni Mellal, Oujda ou Tanger, où l’émigration est massive, la diaspora pourrait participer à l’élaboration des plans de développement et veiller à ce que l’argent envoyé soit investi intelligemment. « Ce sont nos euros qui financent les routes et les écoles. Il est normal d’avoir notre mot à dire », rappelle un buraliste d’Amsterdam.
Par ailleurs, ouvrir les conseils régionaux aux représentants des MRE serait un signal fort.
Dans des régions comme Béni Mellal, Oujda ou Tanger, où l’émigration est massive, la diaspora pourrait participer à l’élaboration des plans de développement et veiller à ce que l’argent envoyé soit investi intelligemment. « Ce sont nos euros qui financent les routes et les écoles. Il est normal d’avoir notre mot à dire », rappelle un buraliste d’Amsterdam.
Un peu d’audace, s’il vous plaît !
Au final, la question qui fâche est simple : sommes‑nous prêts à partager un de pouvoir avec nos concitoyens de l’étranger ? Ou préférons‑nous continuer à leur envoyer des formulaires de procuration et des messages de remerciement en août ?
Les jeunes générations, nées entre Tanger et Toronto, ne se reconnaissent ni dans les discours compassés ni dans les structures rigides de nos partis. Elles réclament des plateformes participatives, des outils numériques, un débat ouvert.
Le Maroc a toujours su se réinventer. De la Moudawana aux énergies renouvelables, il a prouvé qu’il pouvait concilier traditions et modernité. Alors pourquoi pas la représentativité des MRE ?
En donnant une voix à sa diaspora, le pays ne fera pas que reconnaître une réalité démographique. Il réaffirmera surtout que le Maroc est une nation ouverte, où le lien ne se mesure pas en kilomètres mais en projets partagés.
Et, qui sait, en écoutant un peu plus ceux qui vivent ailleurs, on pourrait découvrir des idées neuves pour nos débats locaux. Et à ceux qui s’inquiètent de perdre leur siège, un conseil : rien ne vaut un peu de compétition pour se remettre en question.
Les jeunes générations, nées entre Tanger et Toronto, ne se reconnaissent ni dans les discours compassés ni dans les structures rigides de nos partis. Elles réclament des plateformes participatives, des outils numériques, un débat ouvert.
Le Maroc a toujours su se réinventer. De la Moudawana aux énergies renouvelables, il a prouvé qu’il pouvait concilier traditions et modernité. Alors pourquoi pas la représentativité des MRE ?
En donnant une voix à sa diaspora, le pays ne fera pas que reconnaître une réalité démographique. Il réaffirmera surtout que le Maroc est une nation ouverte, où le lien ne se mesure pas en kilomètres mais en projets partagés.
Et, qui sait, en écoutant un peu plus ceux qui vivent ailleurs, on pourrait découvrir des idées neuves pour nos débats locaux. Et à ceux qui s’inquiètent de perdre leur siège, un conseil : rien ne vaut un peu de compétition pour se remettre en question.












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